Jésus, le Sublime Pèlegrin 

L’ennemi, avant d’agir avec Tibère, le séduisait par de bonnes 

grâces. Entre autres, l’on savait dans tout Jérusalem que cette 

semaine, il y avait eu un valeureux chargement d’objets, de joaillerie 

et des produits de bouche rares pour Tibère, son épouse et les prin-

cipaux courtisans à Rome. Par conséquent Pilate avait raison pour 

rester sereinement appréhensif devant quelque machination de la 

famille sacerdotale, qui pour le déloger de la Judée, ne vacillerait 

pas devant les plus grandes infamies et corruptions. Il enrichissait 

prodigieusement le gouvernement de Judée et d’ici peu de temps 

il se serait garanti un agréable futur dans son héritage d’Espagne, 

presque déchargé de compromis.

Se laissant dominer par une impulsion indéfinissable, comme 

ausculter ses intérêts occultes et sa dignité blessée, mais sans la véhé-

mence des premiers moments, Pilate demanda à Jésus:

-Alors tu t’obstines à mourir?

-Tu l’as dit! - répondit jésus, sans vaciller.

Peu lui importait que le rabbi de Galilée soit disculpé ou cruci-

fié, car ne passait –t-il pas d’une pièce vivante égale à tant d’autres, 

qu’il fit mourir pour des faits moindres. Mais c’était son amour 

propre qui était profondément blessé, qui le porta à hésiter dans la 

sentence finale. Le prisonnier était un prétexte pour contenter son 

esprit de revanche contre le Prêtre Suprême. Peut–être que si on 

lui avait demandé l’acquittement, sans aucun doute, il aurait tout 

fait pour le crucifier, afin de contredire son adversaire. Jésus se leva, 

comprenant qu’était fini l’entrevue et il se dirigea vers la porte. Peut-

être agissant par quelque force occulte qu’il ne put fuir, Pilate fit un 

geste de la main, ordonnant à Jésus qu’il espère. Presque révolté 

avec lui-même, soufrant à faire quelque cession à son prochain, il 

dit brutalement au Maître Chrétien:

Si tu désires la mort, dis-le moi au moins, que puis-je faire pour toi!

Jésus le regarda bien dans les yeux, lui transmettant la force de 

son magnétisme sublime, la puissance de son esprit et la douceur de 

son cœur. Alors, il lui demanda dans un suprême appel, qui toucha 

les fibres endurcies du Proconsul romain:

Si tu veux m’aider, ne poursuis pas mes disciples. Je te remer-

cierai de la maison de mon Père, pour toute l’éternité!

Ponce Pilate regarda Jésus de haut en bas, sans pouvoir cacher 

son admiration pour ce renoncement délibéré, parce que mainte-

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